Les Misérables, une mise à jour de La Haine, œil pour œil, dent pour dent

Julian Liurette

Julian Liurette

Non, il ne s’agit pas d’une nouvelle adaption du chef d’oeuvre de Victor Hugo.

Les Misérables, le premier long métrage de Ladj Ly, pourrait être décrit comme une mise-à-jour du film La Haine de Mathieu Kassovitz sorti en 1995.

La Haine, Les Misérables, la banlieue change mais les problèmes demeurent.

25 ans plus tard, le film dépeint la banlieue parisienne d’une manière toujours aussi choquante pour ceux qui ne connaissent que les images touristiques célèbres et plus traditionnelles de la France. De nombreux films depuis La Haine ont montré la banlieue comme un lieu dangereux, tendu, explosif où la délinquance reigne dans un chaos maîtrisé par différents chefs de bande et où l’état ne semble pas comment géré. Aléatoirement, je pense ici à des films tels que L’Esquive (2002), La Journée de la jupe (2009) ou Dheepan (2014). Le film rappelle aussi par son style visuel Polisse (2011) qui suit aussi des policiers mais dans Paris-même. Comme Les Misérables, Polisse avait aussi gagné le Prix du Jury au festival de Cannes. Au niveau international, le film peut rappeler City Of God (2002) du brésilien Fernando Meirelles.

La banlieue n’est plus un sujet nouveau dans le cinéma français et pourtant après avoir vu Les Misérables, le président Macron a déclaré vouloir “améliorer les conditions de vie en banlieue”.

Le film de Ladj Ly se déroule du point de vue des policiers de Montfermeil, ville située à 25 km à l’est de Paris. Un nouveau policier s’est joint à une équipe et nous suivons sa première journée de travail au sein de la cité des Bosquets.

Les Misérables, bande-annonce

Cette première journée coincide avec la victoire de la France à la Coupe du Monde de football en 2018 et avec une température caniculaire. On ne sait pas très bien à quelle histoire nous allons avoir droit en tant que spectateurs, et malgré l’humour, souvent de mauvais goût, des anciens policiers, la tension est palpable à chaque rencontre que font les policiers. Du coup, on ne s’ennuie pas en regardant la première partie du film.

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Les trois policiers

On nous y présente la chef de police jouée d’une manière plus ou moins convaincante par Jeanne Balibar. Certes, elle est un peu cocasse et dégage une certaine autorité mais j’avais dû mal à croire qu’une femme frêle se fasse respecter si facilement par des policiers qu’on nous décrit jusque-là comme grande-gueule et ne respectant pas les règles. Rien n’explique pourquoi les policiers deviennent si sérieux devant elle. Le film nous présente les différents chefs de la cité. Il y a un personnage dénommé Le Maire qui est en partie payé par la ville pour assurer l’ordre dans la Cité et faire le lien entre la Police et les habitants de la Cité. Il y a les Frères Musulmans qui vadrouillent la Cité pour informer les jeunes de s’inspirer des enseignement d’Allah. Et on nous présente différents jeunes telle qu’Issa et Buzz. Issa, le jeune malin qui fait les 400 coups. Buzz, le jeune plus réservé, qui fait voler son drone pour observer les jeunes filles du quartier. Ces deux jeunes jouent des rôles majeurs dans ce film.

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Le personnage d’Issa au centre.

Une fois tout cela mis en place, un incident déclenche des frictions entre tous ces groupes et les trois policiers se retrouvent à devoir empêcher que la situation ne déborde. Évidemment, les choses se passent mal et la situation dérape. Il est difficile de parler du film sans révéler ce qui s’y passe. Je peux tout de même dire que l’incident déclencheur est cocasse et surprenant mais un peu trop appuyé. On se doute que la situation va déraper par la suite mais on ne sait pas comment ce qui nous garde pris par le film. Certains critiques ont trouvé que la dernière partie du film était exagérée. Elle l’est car elle semble irréaliste à de nombreux égards mais elle est malheureusement efficace. En tant que spectateur, on est pris au tripe par cette montée en violence qui se finit par une citation de Victor Hugo.

Mes amis, retenez ceci.
Il n’y a ni mauvaises herbes ni mauvais hommes.
Il n’y a que de mauvais cultivateurs. 

Victor Hugo

Le film tire son nom du livre de Victor Hugo car il y montre à sa manière Les Misérables du 21ème siècle et Montfermeil est le quartier des Thénardiers mais l’analogie s’arrête là. Il n’y a pas de Jean Valjean ou de Cosette dans ce film.

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Le personnage de Buzz et son drone.

C’est un premier long métrage impressionnant: on se sent immergé dans la vie de cette cité, les acteurs sont exceptionnels de véracité et d’énergie, les dialogues font souvent rire dans la première partie, la caméra virevolte autour des personnages lors des scènes d’action et la séquence finale malgré sa violence et son côté irréaliste est comme un coup de poing au ventre.

Mes deux critiques du film résident dans un manque de style visuel et un manque de rythme dans la dernière partie du film. Filmer caméra à l’épaule est logique mais j’aurais aimé un point de vue plus original, un style, quelque chose qui distingue le film des autres. Je n’étais pas fan des petits coups de zoom qui sous-lignent ce qui se passe à l’écran. Ils diminuent l’impact du jeu des acteurs et donne l’impression que le réalisateur ne fait pas confiance aux spectateurs. Les plans filmés du drone sont très bons et j’aurais aimé plus de plans originaux comme ceux-là.

Le film commence par des images dans Paris. Les gens célèbrent la victoire de la France à la Coupe du Monde. Progressivement une musique déprimante et oppressante accompagne les images. C’est à contre pied de la victoire et décrit la contradiction qui règne dans un pays comme la France: riche en culture, en éducation, en infrastructure mais avec des poches de pauvreté et des problèmes d’intégration.

Le film est nominé aux Oscars dans la catégorie des films internationaux. Toutefois, la victoire semble déjà acquise pour Parasite, le film Coréen, qui reçoit depuis plusieurs mois tous les louanges et les prix possibles et qui est également nominé.

8/10 Vu au Tiff Lightbox le 25 Janvier 2020 avec Douglas, Vidya, Dorismel et Andy

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